Quand Bruxelles et Washington ouvrent la boîte de Pandore de l’automobile

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Quand Bruxelles et Washington parlent normes communes, c’est tout le secteur automobile qui retient son souffle. Un sujet d’actualité politique pour cet édito Watt Else du 28 août à quelques jours d’une rentrée qui s’annonce animée.

Il ne suffit parfois que d’une phrase pour qu’un accord commercial se transforme en potentielle boîte de pandore. Les négociations entre les États-Unis et l’Union européenne sur les droits de douane contiennent un élément qui fait débat. Il pourrait à lui seul perturber le marché automobile des deux pays. 

Ce passage mentionne une reconnaissance mutuelle des normes de sécurité et d’émissions. Derrière ce jargon, se cache un sujet potentiellement explosif : va-t-on voir débarquer des pick-up XXL non adaptés à nos routes européennes ? Mais la réciproque est vraie aussi, une R5 pourrait-elle se vendre aux USA ?

Le Cybertruck et ses cousins en Europe ? 

Pour l’Europe, accepter les standards américains, c’est potentiellement importer aussi leurs failles sans avoir notre mot à dire. L’idée de voir débarquer beaucoup plus facilement en Europe des RAM, Cadillac Escalade ou Ford F-150 (ou plus gros encore) thermique apparaît complètement aberrant – même si cela est déjà possible par des importateurs spécialisés. Les ONG environnementales et les associations de sécurité routière sont déjà à deux doigts de la syncope.

Ford F-150 Lightning et Mustang Mach-e // Source : Ford
Ford F-150 Lightning et Mustang Mach-e // Source : Ford

Trump veut que les voitures américaines s’imposent partout, y compris en Europe et au Japon. Que ces mastodontes soient inadaptés à nos routes ne l’effleure même pas. L’Europe, elle, s’apprête à céder à ce caprice, sans mesurer les conséquences délétères. Prenons l’exemple du Cybertruck : aujourd’hui, il a très peu de chances de passer les homologations européennes. Mais si l’accord venait à reconnaître l’homologation américaine comme suffisante, il serait de facto autorisé sur nos routes, et peut-être même sans passer par des adaptations coûteuses.

Aujourd’hui, les règles européennes privilégient la protection des piétons et la réduction du CO₂. Les États-Unis se concentrent surtout sur les occupants, avec des standards plus laxistes sur l’efficacité énergétique depuis le retour de Donald Trump au pouvoir. Deux visions opposées. Les constructeurs européens, qui ont lourdement investi pour se conformer aux règles de Bruxelles, se retrouveraient face à une concurrence qui ne joue pas avec les mêmes règles du jeu. Le respect des normes GSR2 (aides à la conduite obligatoires) et CAFE (émissions de CO2), imposées aux uns et pas aux autres, constituent un parfait exemple du déséquilibre qui pourrait se créer.

Les États-Unis gagnants ? Pas tant que cela

Côté américain, l’enjeu est tout autre. Mutualiser les standards ouvrirait les portes du marché européen sans avoir à adapter chaque modèle. Des économies colossales sur l’homologation, des marges préservées, et la possibilité d’exporter des véhicules électriques sans passer par le labyrinthe réglementaire européen. Sur le papier, tout est gagné d’avance, mais le gouvernement de Trump oublie un détail (de taille) : vendre des véhicules américains en Europe, ne garantit pas qu’ils seront achetés. Il n’y a qu’à observer le retour de Cadillac en Europe avec ses véhicules électriques pour se rendre compte que les modèles américains n’attirent pas vraiment les foules, et Lucid ne fait guère mieux.

En revanche, l’Europe développe un atout qui attire une niche du marché américain : des voitures électriques abordables. Imaginer une Renault 5 dans les grandes villes américaines a son charme. Mais l’exemple de la Fiat 500e prouve que rien n’est simple pour nos citadines. Penser que cet accord accélérerait la percée des marques européennes aux États-Unis relève de l’utopie. 

Cette bataille de chiffonniers ne mènera à rien de bon, pas plus que le délire des surtaxes imposées par Trump. Et que se passera-t-il quand il réalisera que ses chantages politiques ont échoué, et qu’ils n’ont pas fait vendre plus de pick-up à l’international ? Il a montré à maintes reprises combien il était versatile et indifférent aux règles diplomatiques. Cet accord ne sauvera en rien l’industrie automobile européenne. Nous risquons de le découvrir à nos dépens, une fois la boîte ouverte.

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