Cette entrepreneuse prolonge la vie de vos chiens avec une pilule… et bientôt la nôtre ?

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Pour offrir à nos amis à quatre pattes quelques années de vie en plus, Celine Halioua, une ex-doctorante d’Oxford, a levé 135 millions de dollars avec sa startup Loyal. Son secret ? Une pilule de longévité canine « goût bœuf » qui pourrait être commercialisée dès l’année prochaine.

Plus l’animal est gros, plus il vivra longtemps, enfin presque… Les chiens dérogent à cette tendance générale : les canidés plus petits ont une meilleure espérance de vie que leurs congénères de taille plus imposante. Ainsi, si le chihuahua a une espérance de vie qui peut aller jusqu’à 20 ans, celle du terre-neuve est deux fois moins importante. Une problématique qu’espère résoudre Celine Halioua, la fondatrice de Loyal, une startup américaine qui développe des médicaments pour retarder le vieillissement des toutous et lutter contre les maladies liées à l’âge.

En février, l’entreprise a franchi un palier important puisque la Food And Drug Administration – l’administration américaine chargée de la surveillance des produits alimentaires et des médicaments – a dit avoir une « attente raisonnable d’efficacité » quant à la pilule LOY-002 sur laquelle planche Loyal. La gélule vise les chiens de 10 ans minimum, et dont le poids serait au moins de 6 kilos. Le Centre de médecine vétérinaire de la FDA doit néanmoins encore certifier le médicament, mais il a de grandes chances d’être commercialisé d’ici 2026, comme promis par la start-up.

Si la firme ne génère pas encore de revenus, elle a levé 135 millions de dollars depuis sa création en 2019 et figure dans le dernier classement des “prochaines startups à un milliard de dollars” établi par le magazine Forbes — autrement dit, une licorne en puissance. La valorisation de Loyal s’élève pour l’heure à 425 millions de dollars.

D’une “animalerie” familiale à Oxford

Celle qui se cache derrière cette prometteuse affaire est une business-woman de 30 ans passionnée par les animaux. Celine Halioua, d’origine germano-américaine, a grandi au Texas entourée de 15 chats, de plusieurs chiens, d’opossums et d’oiseaux – presque dans une animalerie, en somme.

Des études d’arts à peine entamées, elle se rend compte que ce qui l’intéresse vraiment, ce sont les sciences. En deuxième année de neurosciences à l’Université du Texas, elle découvre les recherches sur le vieillissement. Elle effectue un premier stage en géroscience avant de rejoindre un laboratoire qui étudie les cellules souches à La Jolla, en Californie.

Derrière ce laboratoire, la SENS Research Foundation, une ONG dont le but est de “prévenir et inverser les problèmes de santé liés à l’âge”. Son co-fondateur est un informaticien à la barbe digne de Hagrid qui s’auto-forme à la biologie et se fait connaître en 2003 pour avoir fêté la longue durée de vie d’une souris nommée GHR-KO 11C. Le rongeur est mort à l’université de Southern Illinois une semaine avant d’atteindre l’âge de cinq ans, soit le double de sa durée de vie habituelle. L’équipe derrière l’exploit se voit décerner le Prix de la Souris de Mathusalem.

10 ans plus tôt, la biologiste moléculaire Cynthia Kenyon révèle que la désactivation partielle d’un gène chez un ver – le Caenorhabditis elegans – permet de doubler sa durée de vie, passant de 24 jours à 48, d’où les tatouages à l’arrière du bras droit de Celine Halioua : un verre, une tête de souris et un visage de labrador.

La femme d’affaires croise le chemin d’Aubrey de Grey en 2016 lors d’une conférence à San Francisco. Douze mois plus tard, elle décroche une bourse de SENS Research Foundation pour aller étudier à Oxford. Là, l’étudiante se lance dans une thèse sur le financement de la lutte contre le vieillissement par les systèmes de santé. Une question qui la préoccupe, alors que confie-t-elle sur un billet de blog, à 12 ans déjà, victime de terribles douleurs, elle dit à son père qu’elle refuse d’aller à l’hôpital car sa famille n’en a pas les moyens. Autre souvenir d’un Noël où “j’ai appris que ma mère avait de graves problèmes de santé, mais qu’elle ne pouvait pas obtenir d’aide car, n’étant pas assurée, cela lui aurait coûté des dizaines de milliers de dollars” se remémore la trentenaire, avec une pointe d’amertume.

En Angleterre, ses relations avec ses responsables se dégradent. Elle évoque un harcèlement, toujours sur son blog, et accuse Aubrey de Grey d’être un prédateur sexuel, lui qui lors d’un dîner pour récolter des fonds, aurait dit à Celine Halioua qu’elle avait “le devoir d’avoir des relations sexuelles avec les donateurs du SENS présents afin qu’ils lui donnent de l’argent.” C’est ainsi qu’elle abandonne progressivement son doctorat et rejoint un fonds de capital-risque, le Longevity Fund, en 2018 d’abord via un stage. C’est cette expérience qui lui permet de s’intéresser davantage aux modifications génétiques pour prolonger la durée de vie des animaux, de quoi amorcer le lancement de Loyal en 2019.

Des chiens comme cobayes ?

Si Celine Halioua imagine d’abord une injection unique de thérapie génique pour ralentir le vieillissement des grands chiens, elle décide finalement avec ses équipes de se concentrer sur deux produits, le LOY-001 à injections multiples, et le LOY-002, pilules plus traditionnelles à administrer régulièrement aux chiens pour un coût mensuel qui pourrait environner les 150 dollars.

Si la trentenaire fustige les transhumanistes qu’elle considère comme des “charlatans” qui promettent de vivre un jour éternellement sur la base de pseudosciences, elle espère pouvoir étendre les recherches de Loyal aux humains. Les chiens sont de bons modèles pour comprendre et tester les traitements anti-âge explique à Numerama Steven Austad, professeur émérite derrière la Chaire de recherche sur le vieillissement du département de biologie de l’Université d’Alabama à Birmingham, aux États-unis. Selon lui “les chiens vieillissent comme les hommes et souffrent de maladies liées à l’âge très similaires. Ils partagent également notre environnement et sont donc exposés aux mêmes sources de microbes que nous.

Daniel Promislow, biogérontologue à l’Université Tufts de Boston et codirecteur du Dog Aging Project, autre projet qui tente de comprendre le vieillissement canin et de lui trouver des solutions, pointe quant à lui l’avantage financier à mener des études sur les chiens avant d’en mener sur les hommes. “Les études menées sur des humains durent 10 à 20 ans quand les données utilisées pour prédire la mortalité chez les chiens que nous avons étudiées avec mon équipe ont été collectées en deux ans et demi : c’est presque 10 fois moins de temps. Même si ces études coûtent cher, il est également bien moins cher de le faire chez le chien que chez l’humain, et on peut en tirer des leçons similaires” estime le scientifique auprès de notre rédaction.

Conclusion : dans les années à venir, Loyal ne nous sauvera peut-être pas de la mort, mais au moins on arrivera plus reposés et âgés au rendez-vous.

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