Un titre de country généré par IA, par un artiste IA, est top 1 des écoutes numériques. Problème pour les musiciens : il est vraiment pas mal.
Townes Van Zandt n’a pas dû faire qu’un tour dans sa tombe. Ce 11 novembre 2025, le fameux média Billboard, qui recense les hits de la musique à travers le monde, affiche un artiste IA en « meilleures ventes digitales » du classement country. Cet artiste, nommé Breaking Rust, a sorti son premier EP cette année, avec 5 titres, dont Walk my Walk, le morceau en tête du classement.

Présenté sur son Instagram comme un compte faisant de l’outlaw country, Breaking Rust alterne les créations en publiant des vidéos générées par IA et des morceaux de musique sur les plateformes. Sur Apple Music, son compte n’est pas du tout identifié comme un artiste IA et on peut donc croire que l’on a affaire à un véritable chanteur country d’une nouvelle génération — ce petit monde, plébiscité aux États-Unis évolue beaucoup depuis ses débuts et il n’y a pas que l’immense Johnny Cash dans les charts.
J’écoute de la country, mainstream et ultra-niche, depuis plus de 20 ans maintenant et je suis assez étonné par ce morceau. Il n’explore pas grand chose de nouveau : une voix suave, un rythme lent, un texte qui rappelle les vieux western et des instruments classiques sans trop d’arrangement. iIl y a dans ce morceau du Merle Haggard, du Poncho & Lefty, du Kris Kristofferson. Et après tout, c’est bien normal : une création par IA ne vient pas de rien, elle émerge à partir des morceaux sur lesquels elle a été entraînée dans un contexte culturel particulier — pas si éloigné, au fond, des artistes humains, diront les mauvaises langues.


Mais je dois reconnaître que le résultat est bon. Contrairement au morceau de Jul qui semblait trop glitcher pour son propre bien, ici la piste est propre et l’écoute est agréable. Si j’avais entendu le morceau sans savoir que c’était entièrement de l’IA, je n’aurais peut-être pas remarqué. Et les Américains ne sont visiblement pas choqués non plus : au 4 novembre, le « projet » Breaking Rust — crédité au compositeur Aubierre Rivaldo Taylor — avait généré 1,6 million d’écoutes officielles aux États-Unis. Le dit Aubierre Rivaldo Taylor n’est pas connu du public et sa présence sur le web est rachitique : impossible de dire aujourd’hui s’il ne s’agit pas aussi d’un pseudonyme créé pour cacher une autre IA — qui écrirait les textes.
Pour les artistes qui peinent à émerger sur les plateformes et qui estiment que l’art, si personnel et si humain, peut résister à la génération automatique, c’est un vrai problème. Si une IA n’est pas encore au cœur d’une success story à la Billie Eilish et n’a pas l’incarnation pour être une artiste complète, elle a déjà fait le premier pas : composer un titre populaire, plébiscité, remplaçant de fait les écoutes qui auraient pu être générées par de véritables musiciens.
Au fond, le créateur derrière ce projet a su saisir artificiellement ce qui faisait un morceau apprécié. Il y a probablement travaillé, peut-être des centaines d’heures, et vient peut-être du monde de la musique, mais il se place aussi à l’avant-garde d’une nouvelle catégorie de créateurs qu’on peine encore à définir. Les plateformes n’ont, à date, pas de catégorie IA ou de modèle de rémunération différent pour ces créateurs d’un nouveau genre.
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