À trois jours d’un déplacement en Allemagne, la ministre des Armées a jugé que Berlin n’a pas la capacité industrielle de porter un projet comme l’avion de combat de nouvelle génération. Une manière de dire que ce travail doit revenir à Dassault Aviation, et qu’il faudrait laisser tranquille l’industriel français.
Voilà une remarque qui pourrait bien froisser quelques sentiments de l’autre côté du Rhin. À trois jours d’un déplacement à Berlin, dans le cadre du format européen E5, la ministre des Armées Catherine Vautrin a taclé l’industrie allemande, ce mardi 11 novembre 2025, la jugeant incapable aujourd’hui de construire un avion de combat digne de ce nom.
Le commentaire de la ministre, fait au micro d’Europe 1, s’inscrit dans le cadre du Système de combat aérien du futur (SCAF), qui provoque de vives frictions entre l’Allemagne et la France. Ce projet militaire commun, qui rassemble aussi l’Espagne, vise à développer un avion de chasse de nouvelle génération et des systèmes complémentaires, dont un cloud de combat.
Or, la répartition des tâches et la gouvernance concernant la partie « avion » du SCAF suscitent des tensions considérables entre les industriels (Dassault côté français et Airbus côté allemand). En principe, Dassault est le maître d’œuvre de ce pilier (un démonstrateur) avec Airbus en partenaire. Mais le Français juge qu’Airbus lui met des bâtons dans les roues.
Seul Dassault peut porter l’avion de combat du futur, juge la ministre des Armées
C’est dans ce contexte que Catherine Vautrin a pris la parole, en estimant « qu’il n’y a pas aujourd’hui en Allemagne de capacité à fabriquer un avion » et que ça ne se fait pas « du jour au lendemain » de toute façon. « Il y a un peu de savoir-faire », a-t-elle ajouté. En creux, ce devrait donc être à Dassault de faire le pilotage industriel, sans entraves.
Aujourd’hui, la chasse allemande repose sur trois chasseurs :
- le Panavia Tornado, fabriqué par la société Panavia Aircraft, sise en Allemagne, et coentreprise entre Airbus (Allemagne), BAE Systems (Royaume-Uni) et Leonardo (Italie) ;
- l’Eurofighter Typhoon, construit par Eurofighter, également basée en Allemagne, et également coentreprise entre Airbus, BAE Systems et Leonardo ;
- le F-35 Lightning II, de l’Américain Lockheed Martin, pas encore livré.

Pour le développement du NGF, Catherine Vautrin a rappelé qu’il y a trois points clés pour la France :
« Le premier, c’est un délai. Nous voulons que cet avion soit opérationnel en 2040. Le deuxième, c’est le poids de cet avion : 15 tonnes. Pourquoi ? Pour pouvoir apponter sur [le porte-avions]. Troisième élément, nous voulons que cet avion soit exportable », à l’image de la réussite commerciale du Rafale, et sans crainte de blocage venant de Berlin.
À ces trois critères, jugés « extrêmement importants », il y en a un quatrième que la ministre n’a pas cité : la capacité de mettre en œuvre la composante nucléaire aéroportée, aujourd’hui assurée par les Rafale et les Mirage 2000 avec le missile supersonique ASMP-A, et demain par le Rafale et le NFC avec le missile hypersonique ASN4G.
Un partage du travail source de tensions
Dans le cadre du SCAF s’ajoute aussi la question de l’équité dans le partage des rôles. Côté français, on considère que l’Allemagne a déjà le leadership sur plusieurs chapitres, notamment le démonstrateur de drone (pilier 3), le cloud de combat (pilier 4), la simulation (pilier 5), la furtivité (pilier 7) et sur l’architecture générale (pilier 0, à égalité avec les autres).
Même concernant la motorisation (pilier 2), la coentreprise EUMET (pour EUropean Military Engine Team), qui réunit Safran pour la France et MTU Aero Engines pour l’Allemagne, est une société de droit allemand, avec un siège à Munich. De fait, l’Allemagne est extrêmement bien positionnée sur les différents jalons du SCAF.
Et c’est pour cette raison que de ce côté-ci du Rhin, une irritation persiste à l’égard des petites phrases prononcées tantôt par le ministre allemand de la Défense, Boris Pistorius, tantôt par le patron d’Airbus, qui laissent à penser que Berlin veut tout accaparer. En attendant, le dossier n’avance pas, au grand dam des états-majors des trois pays.
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