Depuis plusieurs mois, des articles écrits par Margaux Blanchard, une journaliste pigiste, apparaissent dans des médias américains (Wired, Business Insider…). Tous ont fini par réaliser que l’autrice n’existe pas vraiment.
« Nous avons commis des erreurs : cet article n’a pas suivi un véritable processus de vérification des faits ni été validé par un rédacteur senior… Nous avons agi rapidement dès que nous avons découvert la supercherie et avons pris des mesures pour que cela ne se reproduise pas ».
Dans un article publié le 21 août, Wired reconnaît s’être fait piéger. Le 7 avril 2025, sa rédaction s’est fait avoir par un sujet en apparence compatible avec sa ligne éditoriale. Margaux Blanchard, une journaliste pigiste, proposait d’écrire sur les mariages nés de Discord. Wired a accepté, puis a publié l’article le 7 mai. C’est après la publication que les équipes du média ont rapidement eu des doutes : Margaux Blanchard voulait être payée par PayPal, sans possibilité de vérifier son identité.
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Wired n’est pas le seul média piégé par « Margaux Blanchard ». Press Gazette, dans un article paru le même jour, raconte l’histoire de cette fausse journaliste générée par IA. D’autres médias sérieux, comme Business Insider, ont aussi publié des articles apparemment générés par ChatGPT.
Tout était faux, y compris les échanges par mails
Le mode opératoire de Margaux Blanchard ? Contacter des rédactions avec des sujets aux pitchs parfaits, adaptés à leurs lignes éditoriales. En plus de Wired et de Business Insider, la fausse pigiste a ciblé de la presse spécialisée. Cone Magazine, Index on Censorship, Dispatch, SFGate et Naked Politics font partie de ces cibles, avec à chaque fois des enquêtes complètes avec de nombreuses interviews. En réalité, toutes les citations étaient inventées.
Même les échanges avec Margaux Blanchard semblent virtuels. La « journaliste », lors d’une discussion avec Jacob Furedi, rédacteur de Dispatch, avait évoqué l’idée d’une enquête sur un centre secret d’entraînement médico-légal à Gravemont, dans le Colorado. Problème : la ville n’existe pas. Jacob Furedi le lui a fait remarquer, Margaux Blanchard a commencé à argumenter comme une IA, en expliquant que la ville aimait vivre secrètement. Tout laisse penser que l’auteur de l’arnaque se contentait des efforts minimaux, juste pour recevoir des piges par PayPal. Margaux Blanchard n’avait même pas de faux profil LinkedIn ou de photo.
« Je veux raconter l’histoire de ces scientifiques, anciens policiers et ex-mineurs qui s’occupent désormais des morts au quotidien – non pas comme des endeuillés, mais comme des archivistes de la vérité », écrivait notamment la fausse pigiste pour convaincre Dispatch d’accepter son enquête sur la ville imaginaire. C’est cet événement qui a permis à Dispatch de découvrir la supercherie et d’avertir les autres médias. Les rédactions ont ensuite réalisé que les personnes interviewées n’existaient pas, et ont supprimé leurs articles.
« S’il y a bien un média qui devrait pouvoir déjouer les arnaques de l’IA, c’est Wired. Malheureusement, l’une d’entre elles est passée entre les mailles du filet », regrettent les responsables du média. « Nous avons retiré des tribunes personnelles qui ne respectaient pas les standards de Business Insider et avons depuis renforcé nos protocoles de vérification », indique de son côté le média économique.
À l’ère de l’IA générative, la création de contenus générés par un modèle de langage pollue déjà le web, souvent pour générer de l’argent grâce aux publicités. La vente de faux contenus à des rédactions sérieuses est un phénomène qui pourrait se multiplier, alors que le journalisme doit plus que jamais miser sur le sérieux pour ne pas perdre la bataille de l’information.
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